Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
les mendiants de la mort

vierge, chantait en s’accompagnant de la harpe, et attirait la petite population du voisinage, qui formait autour d’elle un cercle attentif et charmé. C’était le jour où la jeune fille pouvait voir Pasqual, dont le jugement approchait ; et, en attendant le moment, où sa permission lui donnerait l’entrée du parloir, elle vaquait à sa récolte journalière, en vraie bohémienne, légère et insouciante, même dans ses peines.

Midi sonna à l’horloge de la prison ; Robinette laissa son couplet inachevé, son public désappointé, et, ramassant à la hâte les gros sous de sa sébile, s’élança vers la porte de la maison d’arrêt.

En même temps que Robinette, entrait dans la cour d’attente un jeune homme brun et pâle, élégamment vêtu de noir. Mais tandis que la jeune fille se dirigeait vers le parloir, un gardien conduisait poliment le monsieur étranger vers une porte qui donnait dans l’intérieur de la prison. Robinette remarqua ce jeune homme, dont elle croyait avoir déjà vu les traits, sans pouvoir alors le reconnaître. Elle s’arrêta peu cependant à cette observation, mais elle demanda avec vivacité au gardien d’où venait que ce visiteur privilégié pouvait voir ses amis dans l’intérieur, tandis qu’elle n’était admise qu’au parloir.

— Ce beau monsieur-là, répondit le surveillant, n’est pas l’ami d’un de nos pensionnaires ; il vient visiter l’établissement… avec une autorisation de monsieur le directeur.

Robinette, sans écouter cette réponse, était déjà entrée dans la longue galerie où elle allait attendre Pasqual.

On était à l’avant-veille du jugement qui allait clore le célèbre procès d’Herman de Rocheboise et de son complice, et les deux détenus se livraient à la puissante préoccupation qu’amenait la prochaine décision de leur sort.

Herman était descendu dans le préau ; mais toujours isolé de ses compagnons de captivité, il pouvait au moins, dans la seconde réclusion qu’il s’était créée parmi eux, cacher à tous les yeux la rougeur brûlante qui passait par instant sur son visage pâle, et les larmes qui venaient malgré lui mouiller ses paupières.

La fièvre lente qui le dévorait depuis son entrée dans la prison avait redoublé d’intensité à toutes les accablantes formalités de la justice, à toutes les audiences où il lui avait fallu paraître… lui, peu de jours auparavant si envié