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les mendiants de la mort

où l’on voit le ciel, où l’on respire, il faut encore que la terre tombe sur moi pour effacer toute trace de mon existence…

« Ne jamais la revoir, elle, Valentine !… Mourir après cet adieu glacial qu’elle m’a laissé… N’avoir pas même un adieu plus doux pour me reposer de ces angoisses. Valentine !… où est-elle maintenant ?… A-t-elle pitié ou horreur de moi ?… Quel silence entre nous deux… Pas une pensée, pas un lien qui me réunisse à elle. Et demain, il faudra mourir ainsi… Ah ! dans ce cachot ont passé bien des condamnés à mort ; mais vous le savez, mon Dieu, y en eut-il jamais un aussi seul, aussi abandonné que moi !…

Il se rappela alors le billet qu’il avait reçu la veille.

— Je le savais bien, dit-il, ce n’était qu’une feinte de Pasqual pour tromper ma douleur, et me rendre un instant de courage… Il vous reste un ami, disait ce billet… Mensonge cruel… Si un être au monde m’aimait encore, c’est dans ce moment que, malgré toutes les murailles et les verrous de la prison, il serait là, près de moi.

Le cœur d’Herman se brisa, ses larmes coulèrent.

Mais alors, comme si sa pensée eût été entendue, et qu’en effet une voix amie eût voulu lui répondre, des accents harmonieux et pleins d’une douceur ineffable descendirent vers lui de l’ouverture pratiquée au sommet du cachot.

Ce n’était pourtant encore qu’une illusion ! L’espèce de conduit percé dans la maçonnerie aboutissait à la chapelle. C’était l’heure de la bénédiction, des enfants de chœur chantaient à l’autel de toute leur voix fraîche et sonore ; dans l’enceinte, les accents rudes, contenus et presque timides de quelques prisonniers résonnaient sur un ton plus bas ; il en résultait une harmonie d’un caractère particulier et pénétrant.

Cette musique, bien qu’étrangère aux souffrances d’Herman, fit naître dans son âme une impression pieuse. Il se rappela alors avoir entendu désigner la peine de mort par ce mot suprême : Expiation.

— Oh ! pour être délivré des remords, dit il, pour redevenir pur, libre de conscience comme dans mon heureuse jeunesse, je donnerais ma vie ; s’il est vrai que mon âme soit rappelée à cet état, rajeunie, purifiée par le supplice, je l’accepte… j’en rends grâce à Dieu !…