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les mendiants de la mort

rieux de sa destinée, et pouvait juger de la puissance ennemie sur laquelle devait retomber la plus grande partie de ses actes criminels.

Herman ne fut pas plus heureux relativement aux autres questions qu’il adressa au gardien fugitif : celui-ci ne connaissait ni la direction ni le but du voyage qu’on allait entreprendre. Il dit seulement à M. de Rocheboise que, par une précaution de sûreté indispensable, on ne voyagerait que la nuit, et que les journées suivantes se passeraient, comme celle-ci, dans quelque lieu d’asile.

Un domestique monta dans la chambre à coucher du linge fin, des essences et divers objets de toilette qui avaient été placés dans la voiture. Herman, dans une si charmante retraite, trouva du plaisir à se parer pour la solitude, et attendit avec impatience que l’obscurité du soir lui permît de descendre dans l’enclos aperçu de sa fenêtre.

Gauthier, qui continuait à agir en gardien, lui avait accordé un instant de promenade dans les environs lorsque la nuit serait tombée, et avant le moment du départ, qui ne devait avoir lieu qu’à onze heures.

Le soir venu, Herman descendit en effet dans les alentours de sa demeure. Il retrouvait la campagne depuis si longtemps inconnue à ses pas, et la parcourait avec la liberté nouvellement acquise.

Il traversait des sentiers sinueux pleins d’une douce senteur de verdure ; les bouffées de la brise légère rafraîchissaient son front et fortifiaient son cœur ; la libre croissance des plantes, des arbustes, l’abondance des jets fleuris formaient à ses côtés des parois, des voûtes épaisses et y jetait en même temps de suaves ornements ; il voyait à chaque pas des fuyants ombreux qui sollicitaient ses pas d’y pénétrer.

Herman était seul, pour toujours seul ; et, dans cette charmante retraite, il ne pouvait se croire abandonné. Bien que le feuillage fût immobile autour de lui, il croyait y voir passer à peu de distance une ombre compagne de ses pas ; il lui semblait sans cesse qu’une main amie allait venir presser la sienne… Et cependant il ne désirait rien, il jouissait en paix de la fraîcheur du soir, de l’ombre transparente, de l’arôme des plantes… surtout du charme indéfini, sans nom, qui émane de toutes ces choses et semble cependant au-dessus d’elles.

Il aurait marché ainsi longtemps, bercé par les plus douces sensations, lorsqu’il se trouva au bout de l’enclos