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les mendiants de la mort

gieux, consacrés à l’amour mortel, cet engagement du cœur ratifiés par les lois éternelles, ce serment d’amour fait à l’homme au nom de Dieu, toutes ces paroles mémoratives qu’il prononçait d’un voix frémissante ébranlaient les fibres de son âme.

C’était dans ce même mois d’une année depuis longtemps écoulée qu’avait eu lieu son mariage avec Valentine ; tout se réunissait pour le reporter à ce moment : c’était la même température, le même ciel, la même végétation dans la nature, partout des flots de verdure nouvelle, d’où s’échappaient des tiges d’acacias, d’ébéniers, d’églantines, de toutes ces fleurs de printemps, moins belles mais plus chères que celles de l’été.

Les souvenirs puissants de son bonheur s’exhalaient vers son âme de ce livre de prières, et pénétraient dans ses sens avec les parfums de l’air.

Quelques feuillets s’étant détachés dans la vétusté du livre, le vent qui passait à travers les supports de verdure du pavillon les enleva, et allait les rouler au loin avec les corolles détachées des églantines et des chèvrefeuilles.

Herman se baissa vivement vers ces fragments bénis, et, sans savoir ce qu’il faisait, les pressa de ses lèvres et les mit sur sa poitrine.

C’était le moment du départ ; il monta en voiture. Comme les nuits précédentes, il trouva dans l’intérieur l’inconnu qui y avait pris place avant lui.

La voiture, qui se dirigeait vers la côte de Normandie, suivait des routes de traverse comme elle avait fait depuis le départ de Paris, et, cette nuit-là, roulait silencieusement dans un chemin sablonneux et couvert.

Le temps, assez chaud jusque-là, était devenu orageux et étouffant. Herman était toujours dans le fond de la berline avec son jeune libérateur et Gauthier sur la banquette du devant. Lorsque l’atmosphère embrasée eut pénétré quelque temps dans l’intérieur de la voiture, Herman sentit tomber sur sa main un collet de velours… L’inconnu se décidait enfin à laisser se détacher un manteau dont jusque-là, malgré la chaleur, ils’était obstinément enveloppé. Maintenant les deux jeunes voyageurs se trouvaient, pour ainsi dire, plus près l’un de l’autre : Herman sentait chaque mouvement de son mystérieux compagnon, chaque souffle qui soulevait sa poitrine.

Il était aussi plus seul avec cet ami inconnu ; le vieux