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pierres roulantes ; cependant, sans songer à son chemin, Herman, à chaque éclair qui venait à luire, portait un coup d’œil rapide vers l’inconnu. Mais la clarté fugitive du ciel était brisée sur la colline par les masses de feuillage ; le chapeau du jeune homme ombrageait aussi son front ; de plus, une mèche de ses cheveux, soulevée par le vent, venait dérober son profil à chaque regard indiscret qui était porté sur lui… Les tentatives d’Herman étaient donc inutiles ; il craignit même qu’elles ne le rendissent coupable aux yeux de l’inconnu, s’il venait à s’en apercevoir, et il en fut réduit à suivre seulement du regard le reflet de son jeune compagnon, jeté dans l’eau transparente du ravin dont il suivait les bords…

Ils approchaient de la plage, la mer jetait déjà sur eux la poudre humide de ses vagues ; un point lumineux parut sur la bande des eaux qui baignaient le rivage. Les voyageurs franchirent le dernier intervalle et trouvèrent une chaloupe qui les attendait.

L’inconnu s’élança légèrement dans la barque et fit signe à Herman de le suivre. Celui-ci, au moment de quitter la terre d’une manière aussi aventureuse, montra quelque hésitation ; cependant il obéit à un geste plus impérieux de son conducteur et vint s’asseoir près de lui. Deux vigoureux rameurs se mirent à fendre les flots, se dirigeant vers un fanal qu’on voyait en mer.

Après une heure de cette navigation, où la barque étroite et silencieuse se perdait entièrement dans le mouvement immense et le bruit formidable de la mer, les rameurs atteignirent un navire arrêté au milieu des eaux.

Le capitaine se trouva à l’endroit du vaisseau où les voyageurs abordèrent. Il salua respectueusement le compagnon d’Herman ; puis, s’emparant aussitôt de celui-ci, il le conduisit dans sa propre chambre. Là, le commandant du vaisseau dit à M. de Rocheboise qu’il pouvait disposer de son lit et se reposer le reste de la nuit : puis il retourna sur le pont pour veiller au bâtiment, retenu en vue du port par les vents contraires, et appareiller aux premières éclaircies de l’ouragan.

Dès que le jour commença à poindre, Herman monta sur le pont.

L’ouragan avait perdu de sa violence ; mais l’atmosphère, chargée d’ombre et de pluie, offrait une perspective pâle, uniforme, plus triste que l’orage.

À l’horizon, on voyait la côte du Havre, le port, les mu-