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les mendiants de la mort

pipes d’écume et leur provision de Havane, qui, dans les habitudes de Robinette, tenaient lieu de cassolettes de parfum.

Pendant ce temps-là, on entendit la voiture des messieurs de Sabran. Ils amenaient avec eux Hector de Sercy et quelques autres amis. Les convives montèrent, apportant les précieux comestibles, le bruit et la joie.

Herman, après ces diverses et poignantes émotions, avait repris assez d’empire sur lui-même pour faire bonne contenance.

Le feu ravivé, les lumières redoublées, la bande joyeuse prit place autour de la table, offrant des figures étincelantes d’une gaieté intérieure, comme le cristal des flacons que le vin ambré faisait reluire.

il y avait de quoi chasser bien loin les fantômes, les affreuses chimères qui apparaissaient peu d’instants auparavant dans cette vaste enceinte.

Madame Hermance, ainsi que les amis d’Herman continuaient à nommer Robinette, était en beauté ce soir-là : c’était du moins l’impression qu’elle produisait sur le cercle des jeunes hommes. Mais la figure de cette ravissante enfant avait un tel prestige, que pour elle l’admiration se renouvelait sans cesse : ceux qui la connaissaient le plus s’étonnaient chaque jour de ses charmes, et en la revoyant, croyaient la contempler pour la première fois.

L’intempérie de la soirée redoublait au dehors ; on n’avait jamais si bien pu jouir de cette douceur vantée par des sages… par des sages un peu égoïstes, de se reposer au coin du fou en voyant la tempête fondre à l’horizon

— Voilà de singuliers plaisirs champêtres ! dit Hector, le soleil dans la cheminée, et la verdure représentée par quatre murailles.

— Aussi, dit Herman, venir à la campagne avec ce mauvais temps !…

— On ne pouvait pas s’y attendre, c’est le mauvais temps qui est venu avec nous.

— Moi, j’adore ça ! s’écria Robinette.

— Comment, le vent, la pluie ?

— Et le tonnerre, s’il y en avait !… Cela fait du moins quelque aventure arrivée en voyage. C’est insipide de trouver le soleil et la verdure comme on s’y attendait.

— Et puis, ajouta Eugène de Sabran placé près d’elle, les rayons du jour et les fleurs ne se mettent plus en rivalité avec les rayons de vos yeux et les roses de votre teint ; vous êtes seule à être aimée et admirée.