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les mendiants de la mort

per romain, qui devait, selon le droit des gens, être le plus somptueux de tous.

Les convives, conduits d’abord dans des thermes spontanément construits, avaient pris des bains parfumés avant l’heure du repas.

Ensuite, ils avaient revêtu des tuniques du lin le plus fin et des clamydes déroulées en majestueuses draperies ; des bandelettes de pourpre ceignaient leurs têtes et retenaient leurs chaussures ; des bracelets, des chaînes d’or, des camées, des anneaux antiques tombaient sur leur poitrine et paraient leurs bras nus.

Les femmes étaient vêtues dans le même style romain et avec la même richesse.

Des lits drapés de pourpre entouraient la table, couverte d’urnes d’agate, de vases de fleurs, de plats de vermeil, autour desquels ruisselaient des perles fines.

Les lampes d’argent où brûlait l’huile embaumée, le safran semé sur les dalles, répandaient dans l’espace un parfum tout antique ; des statues, des trépieds s’élevaient devant les lambris. La salle était ouverte sur un vestibule dont les colonnes laissaient voir au dehors, dans la limpidité d’une nuit pure, un bois profond de lauriers.

De belles esclaves d’Asie, à demi-couchées aux deux bouts de l’enceinte sur les marches d’un piédestal, chantaient en jouant de la lyre.

Le costume antique qu’il portait ce soir-là semblait fait pour la beauté d’Herman ; sa tête ressortait admirablement sur le ton de la laine blanche mêlée de pourpre ; son cou et ses bras nus, d’une forme parfaite, se détachaient au milieu d’onduleuses draperies.

Dans tout leur aspect, ces jeunes hommes, ces femmes parées de dehors les plus séduisants, n’ayant d’autre animation que celle du plaisir qu’ils goûtaient même avec mollesse, rappelaient bien l’ancien monde, sensuel, voluptueux et blasé, et, par l’expression de leurs figures, complétaient la vérité de ce tableau païen… On eût dit les élus de l’antiquité dans l’Élysée paisible, radieux, qui leur tenait lieu de ciel.

Comme si le hasard se fût chargé de donner le dernier trait à leur exactitude historique, Pasqual, qui seul n’avait pas changé de costume, et qui passait par moments entre les colonnes de la salle, avec son habit noir et sa figure pâle, rappelait cette image de la mort que les anciens conviaient à leurs fêtes.