Page:Robert Chénier - Barreaux (1945).djvu/9

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Mon pays m’a fait mal par tous ses exilés,
Par ses cachots trop pleins, par ses enfants perdus,
Ses prisonniers parqués entre les barbelés,
Et tous ceux qui sont loin et qu’on ne connaît plus.

Mon pays m’a fait mal par ses villes en flammes,
Mal sous mes ennemis et mal sous ses alliés.
Mon pays m’a fait mal dans son corps et son âme,
Sous les carcans de fer dont il était lié.

Mon pays m’a fait mal par toute sa jeunesse,
Sous les draps étrangers jetés aux quatre vents,
Perdant son jeune sang pour tenir les promesses
Dont ceux qui les faisaient restaient insouciants.

Mon pays m’a fait mal par ses fosses creusées,
Par ses fusils levés à l’épaule des frères,
Et par ceux qui comptaient dans leurs mains méprisées
Le prix des reniements au plus juste salaire.

Mon pays m’a fait mal par ses fables d’esclave,
Par ses bourreaux d’hier et par ceux d’aujourd’hui.
Mon pays m’a fait mal par le sang qui le lave.
Mon pays m’a fait mal. Quand sera-t-il guéri ?