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introduction.

de l’autre. Pour les traducteurs, ce serait un instrument plus précieux qu’un dictionnaire ordinaire. Pour les philologues, ce serait le moyen le plus facile et le plus efficace d’établir une comparaison exacte entre deux langues, et d’apprécier justement leurs mérites et leurs défauts respectifs. On obtiendrait une somme d’avantages plus grande encore, en construisant un Lexique polyglotte d’après ce système.

Les métaphysiciens, livrés à de profondes recherches sur la philosophie du langage, trouveront une assistance matérielle dans un travail qui leur aura déblayé le terrain, par une analyse préalable et par la classification de nos idées ; car cette classification est la véritable base de celle des mots, qui sont les symboles des idées. Ce n’est que par de semblables analyses que nous pouvons arriver à la perception claire des rapports qui existent entre ces symboles et les idées correspondantes ; ce n’est qu’avec leur aide que nous pouvons parvenir à la véritable connaissance des éléments qui entrent dans la formation des idées composées, et des éliminations au moyen desquelles nous arrivons aux abstractions, si fréquentes dans les actes du raisonnement et dans la communication de nos pensées.

Enfin, ce n’est qu’à l’aide de semblables analyses qu’on pourra déterminer les principes d’une langue rigoureusement philosophique. Le résultat probable de la création d’une telle langue serait son adoption définitive par toutes les nations civilisées ; réalisant ainsi ce magnifique rêve des philanthropes, l’établissement d’une Langue universelle. Ce projet peut sembler une utopie à la génération actuelle. Bien des tentatives, et entre autres celle de l’évêque Wilkins, ont été faites en vain pour le réaliser ; et pourtant son accomplissement n’est probablement pas entouré de difficultés plus grandes que celles qui ont arrêté la marche de tant de choses, autrefois regardées comme des chimères, aujourd’hui accomplies par les efforts persévérants de l’intelligence humaine. Pourquoi donc ne pas espérer qu’au milieu des progrès qui poussent le monde vers de meilleures destinées, quelque nouvel effort de génie n’atteindra pas enfin la solution de ce grand problème ? Rien ne pourrait amener plus directement l’union et l’harmonie parmi toutes les races humaines que le renversement de cette barrière, — la diversité des langues, — qui s’oppose maintenant à l’échange de la pensée et du bon vouloir entre l’homme et son semblable.