Page:Robida - Le Tresor de Carcassonne, 1934.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu te plains et tu es au frais, moi je travaille dans le jardin au grand soleil !

— Oui, mais je fais du travail dur, il en faut donner des coups de pioche ! J’aimerais bien une rasade de vin de Narbonne… ou d’ailleurs, pourvu qu’il soit frais !

— Plains-toi, tu es dans la cave !

— Une cave qui ne contient pas la plus petite tonne, pas même une pinte ou un gobelet de rouge ou de blanc, c’est misère et humiliation !… Ce serait à se pendre si je n’étais certain de tenir bientôt le trésor d’Alaric, et c’est alors que nous en aurons du vin de prince, des bonnes cuvées et de tous les bons crus, depuis la blanquette de Limoux, les puissantes coulées rouges de Béziers et Narbonne, jusqu’aux grands crus de Bordeaux…

— Tais-toi donc, Antoine, tu augmentes ta soif en parlant de ça, ce n’est pas raisonnable !

— Mais non, Colombe, je la berce et la trompe, ma soif, le gosier me cuit moins quand je lui fais passer et repasser comme ça tous les noms des bons vins que je connais… de nom…, tous à la régalade !… Picquepoult, Castelviel, Langlade, Armagnac, Pauillac, Cantemerle, Margaux, Montflanquin… Tiens, je savoure Montbazillac, Gaillac, Cahuzaguet, Frontignan, Mercurol, Vouvray, Muscadet et Suresnes… ça me grise !

— Tais-toi !… Tiens, moi, je remonte, j’ai laissé les petits sous les groseilliers, je ne suis pas tranquille…

— Je me tais, ça va mieux, je me sens le gosier moins sec, dans cette cave trop sèche ! mais je te le dis, dès que je tiendrai le trésor, et ça ne tardera pas, elle changera, cette cave, il y en aura des tonneaux !… Je serai capable de remplir le Grand-Puits, pour une fois seulement, mais jusqu’à