Page:Robida - Le Tresor de Carcassonne, 1934.djvu/53

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avec les enfants, se lancer dans des conversations plaisantes auxquelles elle prenait part si volontiers.

Elle s’ennuyait, la pauvre, et restait à bâiller, la tête à la fenêtre de son logis, ou bien, si elle parvenait à tirer le loquet de la porte, elle allait s’étendre sur l’herbe et converser avec les canards de Mme Cassagnol. Puis, comme les coin-coins un peu monotones ne l’intéressaient pas très long temps, elle se relevait pour courir mettre le nez au soupirail de la cave, d’où elle avait remarqué que sortait la voix de son maître, et, le nez enfoncé aussi loin que possible, elle poussait un rauque hihan d’appel.

Et lorsque par hasard Cassagnol remontait, elle marquait sa joie en se roulant sur le sol, ou par des gambades à travers le jardin en évitant soigneusement de nuire aux carrés de légumes.

Belleàvoir sortait aussi quelquefois de la maison quand les enfants laissaient imprudemment la porte ouverte, et s’en allait chercher des chardons dans les fossés du château où d’autres bêtes erraient, venues de chez les voisins, chèvres, oies ou cochons noirs. Une fois elle se hasarda jusque dans les lices et faillit être volée par une vieille gitane effrontée, qui, la voyant seule, la prit par le licou et voulut l’emmener.

Mais Belleàvoir ne se laissa point faire, elle regarda la vieille sous le nez, la jugea peu digne de confiance et commença à regimber ; la vieille gitane tira plus fort et ramassa une baguette pour corriger la récalcitrante.

Se considérant alors comme en état de légitime défense, Belleàvoir ne garda plus aucun ménagement. Elle se mit à danser autour de la vieille, à se dresser sur ses jambes de derrière en lui lançant celles de devant sur les épaules comme si elle voulait l’embrasser, sans se soucier des coups