dirigea vers l’office où les robinets et les plaques de la Compagnie s’alignaient en ordre de bataille, au-dessus d’un grand dressoir à carreaux de faïence.
— Voyons ! fit Gontran en tournant lui-même le robinet, rien ne vient et cependant, messieurs, mon odorat perçoit très nettement des effluves de bisque… c’est très contrariant, mais je crains un accident…
— La Compagnie aurait dû vous téléphoner……
— Ce ne doit être qu’un accident partiel, puisque je sens très bien l’odeur du potage… quelque tuyau dérangé… je vais en avoir le cœur net.
Et Gontran téléphona immédiatement à un abonné du bout de la rue pour savoir si le potage lui était arrivé comme à l’ordinaire.
— Pas de potage dans toute la rue ! — répondit le voisin ; les rues voisines l’ont reçu, mais le potage ne va pas plus loin que votre maison… on est allé chercher l’ingénieur de la Compagnie.
— Diable ! fit Gontran, pourvu que le reste du dîner arrive !…
— Ah ! ce sera joli ! fit Mme Gontran, voilà un dîner manqué… Eh bien, elle est jolie, ta Compagnie… ayez donc du monde à dîner !… je te fais mon compliment sincère…
— Est-ce ma faute à moi si quelque tuyau s’est détraqué ?…
Au même instant le valet de chambre se précipita dans la salle à manger.
— Monsieur ! Monsieur ! il y a une fuite dans les tuyaux… le bouillon coule dans les appartements…
— Vite, vite, cherchons où est la fuite… je vous demande pardon, mesdames, je vous fais toutes mes excuses…
— Quel dîner ! s’écria Mme Gontran, j’en perdrai la tête.
Comme pour achever de faire perdre à Mme de Saint-Ponto le peu de tête qui lui restait, sa femme de chambre accourut à son tour avec une horrible nouvelle.
— Madame ! Madame ! il y a un mètre de bouillon dans la chambre de madame !…
— Grand Dieu, un ameublement tout neuf, satin rose… tout est perdu !