Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on passa au salon, elle glissa quelques mots tout bas à Barbe pour manifester son étonnement.

— Je ne comprends rien à tout ce que l’on vient de dire ; le divorce est donc rétabli ? dit-elle.

— Mais non, fit Barbe, tu le sais bien, tu as pourtant suivi le cours de jurisprudence…

— Tu sais bien que je l’avais en horreur… je tâchais de ne pas entendre !

— Tu avais tort ! moi, ça m’amusait…

— Mais si le divorce n’existe pas, M. et Mme Gontran plaisantaient en parlant de séparation…

— Du tout ; si tu avais écouté, tu aurais entendu notre professoresse de droit nous dire — en parlant du nez : — Mesdemoiselles, le divorce n’existe pas en droit, parce qu’il a toujours effrayé les législateurs ; mais, rassurez-vous, s’il n’est pas inscrit dans nos codes, il existe en fait ! Prenez note de ceci, mesdemoiselles !… Il est expressément recommandé à tous officiers ou employés de l’état civil de glisser dans tous les actes de mariage une inexactitude pouvant fournir un cas de nullité, comme une erreur de noms ou de sexe…

— Je comprends !

— C’est très simple, tu le vois ; lorsqu’il y a incompatibilité entre les époux, lorsqu’on a cessé de se plaire, on invoque le cas de nullité et tout est dit ! C’est bien plus commode que le divorce !

Cependant une certaine mélancolie continuait à planer sur le salon ; pour achever de dissiper cette mauvaise impression, Gontran conduisit ses invités examiner les dégâts causés dans les appartements par l’inondation. Des filets de bouillon coulaient dans l’escalier, et la chambre de Mme de Saint-Ponto en avait encore quelques centimètres que les domestiques épuisaient avec des casseroles.

— Et voilà, dit M. de Saint-Ponto en s’efforçant de rire, si l’on n’avait pas découvert la fuite immédiatement, nous périssions tous noyés et cuits !