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des ministres. Le président, c’est le directeur du Conservatoire lui-même qui présida jadis la vraie Chambre.

— Et ces messieurs au banc des ministres ?

— Ce sont des élèves de troisième année avec un professeur qui tient le rôle de chef de cabinet… Vous savez, les cours sont très sérieux ici ; c’est l’école préparatoire, non seulement des préfets et sous-préfets, mais encore des députés, ministres, ambassadeurs, etc.

— Et que font les professeurs éparpillés avec les élèves sur les bancs ? demanda Hélène.

— Mais ils professent, ils vont nous montrer comment on ouvre une discussion, comment on interrompt un orateur, comment on répond aux interruptions, etc. Notre professeur à nous, de l’extrême gauche, est très fort sur les interruptions, vous allez voir ça… Vous savez que tous nos professeurs sont d’anciens députés ou pour le moins des préfets en retraite ? »

La sonnette du président interrompit la voisine d’Hélène.

« Nous avons à l’ordre du jour, messieurs, dit le président, la continuation de la discussion de l’interpellation présentée par l’honorable M. Firmin Boulard sur la politique intérieure. La parole est à M. Firmin Boulard (de la Creuse).

— Vous savez, dit la voisine, c’est l’usage ici, on ajoute à notre nom celui de notre département ; ainsi, moi, je suis Louise Muche (de la Seine). »

Un jeune homme quitta les bancs de la gauche et escalada vivement la tribune, un formidable, dossier de papiers sous le bras.

« Messieurs, prononça-t-il après avoir bu quelques gorgées d’eau sucrée, je n’ai pu dans la séance d’hier terminer l’examen des nombreuses protestations qui me sont arrivées de toutes parts contre les agissements vraiment scandaleux du gouvernement…

— À l’ordre ! à l’ordre ! crièrent quelques voix à droite.

— Très bien ! très bien ! s’écria le professeur de l’extrême gauche.

— Et je viens aujourd’hui, reprit l’orateur, apporter un surcroît de nouvelles preuves de la malfaisante et outrecuidante ingérence des fonctionnaires du gouvernement pendant la période électorale, de l’abominable pression exercée dans la plupart des collèges électoraux sur les électeurs troublés et trompés…

— Allons donc ! interrompit la droite.

— Trompés par vous ! crièrent quelques membres au centre.