Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont précisément été inventées pour en empêcher à jamais les excès coupables des bouleversements politiques irréguliers.

Des rassemblements se formaient sur les boulevards et dans les carrefours, autour des ingénieurs et des architectes du comité, occupé à lever des plans et à préparer le terrain pour les barricades futures. Les curieux avaient beau interroger ces ingénieurs, ils n’en tiraient que des détails relatifs aux accessoires, par la bonne raison que ces agents du comité central ne savaient rien eux-mêmes.

Enfin les journaux, ordinairement si indiscrets, n’éventèrent point le fameux programme ; les quelques rédacteurs en chef mis dans le secret gardèrent religieusement et fermement le silence, pour ne pas ôter à leurs abonnés la sensation de la surprise qui double tous les plaisirs.

Hélène avait reçu un uniforme de volontaire marseillaise rouge et bleu qui lui allait très bien. La commandante lui avait donné rendez-vous au tube pour le 2 avril au matin. De là, sans doute, elle partirait avec le bataillon pour concourir à la prise de la Bastille, la grande idée de M. Ponto. La reconstruction de la forteresse marchait admirablement ; on y travaillait jour et nuit. La carcasse en charpente était déjà faite, les grosses tours devaient être en plâtre et briques et les courtines peintes sur toile, tout simplement, comme un décor de théâtre.

Le 1er avril, à quatre heures, tous les ministères et toutes les administrations fermèrent pour trois mois. Les bureaux, les usines, les magasins congédièrent leurs employés et leurs ouvriers. Toutes les affaires furent remises pour un trimestre ; seuls les épiciers, les bouchers, les boulangers et tous les marchands de denrées alimentaires devaient rester ouverts au milieu du chômage général, au grand chagrin de leurs infortunés commis.

M. Ponto congédia les employés de sa banque en leur payant trois mois d’appointements et il s’en fut avec sa famille faire une promenade aux rassemblements.

Les afficheurs étaient en train d’apposer partout une énergique proclamation du Comité central général. Les griefs du parti avancé contre le gouvernement y étaient exposés en phrases brûlantes qui sentaient la poudre et mordaient les hommes du pouvoir en pleine chair, avec des grésillements de vitriol.

Les mots ministre ignoble, président inepte, hideux, ventripotent, en grosses majuscules, alternaient avec des amabilités plus générales,