Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/338

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Est-il au monde spectacle plus sublime que celui d’un peuple généreux s’armant pour lutter contre la tyrannie ! Est-il tableau plus saisissant que celui d’une ville entière, bouleversée par le souffle révolutionnaire, lançant ses citoyens et ses citoyennes contre les séides d’un pouvoir abhorré ! Ce sublime spectacle pouvait se voir de temps en temps jadis, mais plus rarement et bien plus difficilement qu’aujourd’hui ; le penseur, l’artiste ou simplement le curieux, pour savourer ces émotions, risquait dans les bagarres les coups, la fusillade ou l’emprisonnement suivi de la déportation. Les révolutions régulières décennales ont fait disparaître ces inconvénients ; ne nous lassons pas d’admirer cette belle institution que l’Europe et l’Amérique nous envient et s’efforcent en vain d’imiter !

Astiquage et fourbissage dans les familles.
Astiquage et fourbissage dans les familles.

Paris avait pris sa physionomie des grandes journées révolutionnaires. Tout était bruit, mouvement, bousculade ; d’innombrables affiches imprimées ou manuscrites couvraient les murailles ; des orateurs improvisés haranguaient la foule à chaque coin de rue, personne n’entendait, mais tout le monde criait et applaudissait. De vieilles armes qui avaient figuré dans toutes les guerres et toutes les révolutions depuis cent ans, des fusils dix fois transformés, fusils à piston changés en fusils à tabatière, puis en chassepots, en Gras, en fusils à répétition, à réservoir, en fusils électriques, etc., revenaient encore une fois luire au clair soleil et revoyaient les pavés retournés comme au temps de leur bruyante jeunesse. Ô vieux fusils cachés sous la poussière, au fond des greniers ou alignés le long des murs dans les musées, ces journées-là payent bien des années d’inaction et de pesant ennui !

Toutes les rues regorgeaient de citoyens en train de fourbir et d’astiquer ces vieux camarades couverts de gloire et de rouille. Ceux qui n’avaient pas de fusils se contentaient de revolvers, ou de pistolets, même à pierre ; les gamins eux-mêmes traînaient des sabres légués par les ancêtres et décrochés des vieilles panoplies.