Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/393

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Français, nos actionnaires, ne payeront qu’une petite contribution unique que nous réduirons le plus possible au fur et à mesure… tous les impôts sont abolis… Voyons, vous savez qu’actuellement, il n’y a rien de plus coûteux à entretenir qu’un gouvernement, il faut toujours payer. Pour un gouvernement ancien modèle, tous les citoyens sont des débiteurs à qui l’on fait rendre le plus possible, très brutalement et très impoliment, à grand renfort de percepteurs et d’huissiers… Je supprime tout cela. Dans mon gouvernement nouveau modèle, les citoyens sont des actionnaires et leur dividende, c’est l’économie qu’ils réalisent sur les frais de gouvernement…

— Vous supprimez les Chambres ?…

— Rouages inutiles, puisqu’il n’y aura plus de politique…

— C’est impossible !

— Rouage inutile, puisqu’il n’y aura plus de gouvernement, mais des administrateurs !

— Monsieur Ponto, vous êtes un utopiste !

— Vous repoussez une combinaison qui assurerait à la France une prospérité inouïe… Réfléchissez : la France société financière, tous les Français actionnaires, chaque Français payant une simple petite somme… Actuellement le gouvernement coûte en moyenne à chaque Français deux cents francs, j’abaisserai la moyenne à cinquante francs pour la première année… J’ai fait tous les calculs… en quinze ans je compte former un capital suffisant pour permettre à notre France de vivre de ses rentes… C’est donc l’administration, ou le gouvernement, comme vous voudrez, pour rien !… Je ne m’arrête pas là, le capital de la France grossit d’année en année par la capitalisation de bénéfices sans cesse grossissants ; à partir de la vingt et unième année, non seulement je ne demande rien pour frais de gérance, mais encore je commence à distribuer des dividendes palpables aux Français nos actionnaires ! C’est assez superbe, ce me semble : chaque Français, au lieu de payer de lourdes contributions, s’en ira tous les six mois, au bureau de son canton, toucher sa part de bénéfice !

— Utopie ! pure utopie ! s’écria le président du conseil.

— Parbleu, cela ne s’est pas encore vu, cela renverse toutes les idées reçues : un gouvernement qui ne coûte rien, un gouvernement qui rapporte !…

— Monsieur Ponto, vous êtes un socialiste !

— Vous repoussez mon projet ? j’aurais dû m’y attendre, les grandes