Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/405

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« On va les conduire aux Docks du mariage, où elles resteront tant qu’elles n’auront pas été demandées en mariage…

« J’éclatai de rire. Comme les institutions de la Nouvelle-Angleterre sont peu connues, j’ignorais l’existence de ces docks si utiles ! Sur ma prière, M. Douglas consentit à attendre le débarquement des jeunes personnes et j’eus la satisfaction de les suivre — aériennement — jusqu’aux Docks du mariage. Supérieurement montés, ces docks ! Situés à côté des autres docks, ceux des vulgaires ballots, ils ont l’apparence d’un immense caravansérail. Quatre corps de bâtiments, huit étages de chambres, des salles de travail ou de cuisine où les jeunes personnes montrent leurs capacités aux visiteurs, des salons, un jardin où tous les visiteurs sont admis. C’est superbe ! L’édifice est dominé par un phare. M. Douglas m’a donné la raison de cette singularité. Ce phare est le Phare du mariage. Ses feux emblématiques, rayonnant sur toute la ville de Londres, rappellent aux amateurs qu’ils peuvent venir aux docks allumer d’autres flammes. Un officier d’état civil, établi dans le phare même, a ses registres ouverts à toute heure de jour et de nuit.

« M. Douglas me tira de ma contemplation et nous reprîmes le chemin de la Banque. Sa famille l’attendait : quatre femmes seulement ; je n’ai pas compté les enfants, j’en ai vu un certain nombre s’échappant de temps en temps de la nursery. M. Douglas me présenta ses trois filles, Mlles Lawrence, Valentine et Amy, une brune et deux blendes à peu près du même âge, et fort gracieuses. Dès la première minute, il me fut facile de voir que M. Percival Douglas et les quatre dames Douglas aspiraient à me posséder pour gendre. C’était flatteur ! Très pittoresque, un ménage mormon ; j’étais enchanté de mon voyage. Mlles Amy, Valentine et Lawrence m’offrirent ce soir-là une quantité invraisemblable de tasses de thé et me questionnèrent longuement sur mes goûts.

« La première personne que je vis, le lendemain, fut un prédicateur qui vint m’entretenir des beautés du mormonisme. En partant, il, me remit un assortiment de bibles et de petits livres : la Vertu marmonne, par le révérend J.-F. Hobson ; Honte au célibataire, Pitié au monogame, sermon prêché au grand temple par M. Clakwell, marchand de vins de Champagne en imitation et archevêque ; l’Art de conduire les femmes, traité par M. Fréd. Twic, archevêque mormon, etc., etc. Les petites bibles aussi étaient pleines de renseignements sur la vie des patriarches hébreux, ces mormons sans le savoir, et de peintures charmantes de leur bonheur