Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/427

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Une tête grave et blanche parut, c’était M. l’administrateur, un volumineux dossier sous le bras. Après l’administrateur et son état-major, les jeunes pensionnaires descendirent une à une et, confuses et rougissantes, passèrent à travers la foule pour gagner à pied le grand hôtel de Rouen situé à deux pas de la gare.

« Charmantes ! charmantes ! telle fut l’impression générale.

— Toutes jeunes et presque toutes jolies ! disait-on dans la foule, admirable collection !

— Il y en a d’exceptionnelles…

— Si leur ramage ressemble à leur plumage, ajoutèrent discrètement quelques célibataires, si leurs dots sont en rapport avec leurs charmes physiques, c’est très séduisant.

— Mon cher enfant, disait une bonne grosse dame à un grand gaillard à longues moustaches, il est temps d’en finir avec ton existence désordonnée de célibataire… Il y a là de quoi choisir ; si tu veux, nous irons causer tout à l’heure avec M. l’administrateur. »

La population du quartier d’Étretat se pressa l’après-midi sur la plage, devant les cabines retenues par l’agence. Dès midi, toutes les places avaient été prises ; on n’eût pas trouvé un galet inoccupé ; les jetées, les estacades, les fenêtres et les toits du casino, tout était garni, si bien que les curieux venus de Fécamp et des quartiers environnants ne réussirent point à se glisser dans les groupes et durent escalader les falaises pour contempler la plage avec des lorgnettes.

À trois heures, comme l’indiquait le programme, l’agence descendit à la plage dans le même ordre qu’à l’arrivée, M. l’administrateur en tête. On compta trois cent douze pensionnaires. Un long murmure ému passa dans la foule quand, au bout d’un quart d’heure, les trois cent douze jeunes filles quittèrent les cabines et défilèrent sur la planche pour courir aux vagues.

Quel tableau délicieux dans ce superbe cadre de roches et de falaises d’Étretat ! Elles descendaient toutes l’une après l’autre, drapées dans des peignoirs ou serrées dans des costumes bariolés qui faisaient valoir la sveltesse des formes jeunes et pures ; les couleurs vives des étoffes, le blanc des peignoirs, le chatoiement du soleil sur les chevelures flottantes ou sur les épidermes aux teintes fraîches, tout brillait, tout scintillait, de façon à rendre rêveurs les célibataires et les photo-peintres les moins poétiques.