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et la mer Caspienne réunies, et quelques petites peuplades de pêcheurs vivant en tribus patriarcales dans des îlots minuscules ignorés.

L’Albatros vola d’île en île, au-dessus de la mer Moscovienne ; de temps en temps on rasait les vagues et Philippe, jetant la sonde, montrait à Hélène que le nouvel océan n’a souvent que trois ou quatre mètres de profondeur, ce qui gêne considérablement la navigation. L’Albatros fit un séjour de quarante-huit heures chez les cosaques de l’Ukraine ; la capitale Kiew est un port de mer considérable, fréquenté par tous les navires qui font le tour de l’Europe par la Baltique et la mer Noire. Justement le pays paraissait un peu agité. Les voyageurs étaient arrivés en pleine crise politique ; le président de la république cosaque ayant choisi inconstitutionnellement ses ministres dans la minorité parlementaire, la Chambre venait, par un vote de défiance, de renverser le ministère.

Hélène, un peu effrayée par le souvenir des catastrophes nihilistes, voulait partir tout de suite ; mais Philippe réussit à la rassurer. Tout se passa très bien, le président accepta les démissions du cabinet et choisit de nouveaux ministres dans le sein de la majorité.

En une seule nuit, le yacht fit le trajet de Kiew à Constantinople. Partie le soir des rives brumeuses de l’île cosaque, Hélène se réveilla le matin en vue des féeriques paysages du Bosphore. Quel changement ! Le soleil faisait resplendir les coupoles des mosquées, les hauts minarets et tous les kiosques enchâssés sur les deux rives dans la verdure des platanes et des cyprès.

Comme à Monaco, le yacht alla jeter l’ancre à l’hôtel du Cercle de la navigation aérienne, établi dans une situation splendide à la Pointe du Sérail.

« La voici, la vraie concurrence à Monaco, dit Philippe quand il descendit à terre avec Hélène, la vieille ville des empereurs et des sultans est devenue la plus importante station balnéaire du monde entier… Voici, comme à Mancheville, les rangées de cabines des établissements de bains ; voici les casinos où l’on danse tous les soirs ; enfin, voici, là-haut sur la colline, à la place du vieux Sérail, un palais de la Roulette qui ne le cède en rien à celui de Monaco.

— Et le sultan, où habite-t-il ? demanda Hélène.

— Il occupe un petit palais, là-bas, du côté de Top-Hané, que les jeunes Turcs, avec un calembour irrespectueux, appellent Trop-pané !… Ce pauvre sultan, je l’ai beaucoup connu, du temps où j’étais sous-syndic de