Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/477

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terne magique devant lesquels défilaient sans cesse des bandes de poissons effarés, des monstres marins à peine connus des naturalistes, hérissés, dentelés, effroyables, heurtant les appareils étranges qui leur servent de tête et faisant grincer leurs tentacules sur la surface glissante des plaques de cristal.

Des jets de lumière électrique fouillaient la mer en avant et sur les côtés, faisaient saillir soudain d’énormes blocs de roches déchiquetées se dressant avec tout le hérissement d’une végétation fantastique, éclairaient de vastes plaines couvertes d’une forêt mouvante d’algues enchevêtrées, tantôt minuscules comme de simples fils et tantôt gigantesques, étendant à perte de vue mille lignes entrelacées sous lesquelles filaient, remuaient et grouillaient des millions de créatures étranges, tout le fourmillement d’un monde formidable et inconnu !

On fit quelques bonnes parties de pêche. Le yacht était armé de quelques petites caronades électriques, placées sur les côtés et à l’avant. Quand un beau poisson passait à portée, un coup de canon lançait un harpon solide qui s’en allait se ficher dans les flancs du gibier. Le yacht ayant été donner au milieu d’une compagnie de requins, on extermina toute la bande.

Tout en chassant, le yacht sous-marin doubla les Bermudes et arriva dans les eaux chaudes de la mer des Antilles. Philippe alors parla de revenir.

« Revenir quand nous sommes si près du canal de Panama, sans avoir traversé le canal pour aller jeter un coup d’œil de l’autre côté sur le grand océan Pacifique ! s’écria Barbe, ce serait une impolitesse ; le plus grand océan du globe ne nous le pardonnerait pas.

— Allons, soit ; mais alors un simple coup d’œil, dit Philippe.

— Un simple regard et nous revenons ! Capitaine, dit Barbe au commandant du yacht, mettez le cap sur Panama ! »

Le yacht fila sur Panama en ralentissant toutefois sa marche pour éviter tout danger d’abordage dans ces parages si fréquentés, où deux grands courants de circulation sont établis, l’un à la surface pour les navires ordinaires, l’autre en dessous pour les yachts ou les transports sous-marins, — le rez-de-chaussée et la cave, comme disent les matelots farceurs.

Le yacht vint toucher à Panama, aux bureaux du canal, où Barbe descendit ou plutôt monta pour correspondre téléphoniquement avec sa maison