Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/483

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pouvait être resté dans la cale, malgré l’explosion et les efforts des vagues.

« Allons, il ne reste plus rien à emporter, dit-il ; nous avons des couvertures pour la nuit, des vivres et des armes ; abandonnons la carcasse de la malheureuse Comète… Allons, matelots, hissez la grande voile et appareillons ! »

Comme l’avait prédit le capitaine, si ferré sur le Manuel du parfait naufragé, le radeau, après une nuit d’une navigation tranquille, arriva le matin en vue du refuge.

« Terre à l’avant ! » cria le matelot en vigie au sommet du mât de fortune.

C’était l’île factice n° 124, mouillée par soixante-dix brasses de fond, juste au point où le 90e degré de latitude coupe l’équateur.

Comme la mer était très belle et très calme, les naufragés abordèrent avec la plus grande facilité.

L’île n° 124 était entièrement ronde ; elle mesurait trente mètres de diamètre seulement et portait tout simplement le strict nécessaire, une maison de carton-pâte à deux étages, un petit magasin et un sémaphore. Le reste de la superficie formait un jardin planté de quelques arbres et de légumes. C’était le modèle n° 2 ; les îles factices à numéros impairs sont plus importantes : elles ont cinquante mètres de diamètre et trois maisons. Le jardin n’a que deux pieds de terre, ce qui est suffisant sous les tropiques pour produire une belle végétation ; les salades et les légumes sont même trop souvent étouffés sous les pousses désordonnées de mille plantes dont les graines ont été apportées par le vent, de terres quelquefois très lointaines.

L’île 124 ne devait pas avoir reçu de visites depuis le passage du navire ravitailleur, qui va tous les six mois porter à chaque îlot sa provision de vivres ; la terrasse était un fouillis de plantes, d’arbustes et de fleurs formant berceau au-dessus de quelques légumes montés en graines ; les lianes grimpaient jusqu’au deuxième étage de la maison, quelques jeunes cocotiers, l’arbre par excellence des îlots et des récifs océaniens, balançaient leur panache au souffle de la brise.

« Tout à fait l’apparence d’une île véritable ! s’écria Philippe en sabrant les lianes pour ouvrir un passage vers la maison à sa femme et à sa sœur ; sans la balustrade qui en fait le tour, on s’y tromperait.

— Et le roulis ? dit le capitaine, vous oubliez le roulis !

— C’est vrai, notre île a un mouvement de roulis assez faible qui