Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/503

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— Embarquons ! dit Philippe, et suivons bien le canal, cette fois, pour éviter un nouvel échouage. »

En quelques heures, l’île 124 réussit à sortir des bas-fonds et à trouver un chenal large de plus de deux kilomètres, avec quinze ou vingt mètres d’eau. Pour plus de sûreté, le capitaine alla s’amarrer pour la nuit aux cocotiers d’un îlot d’accès facile. Quand le jour revint, on mit toutes voiles dehors avec l’espoir d’arriver à Taïti dans l’après-midi. Un sloop taïtien, rencontré vers midi, vint reconnaître l’étrange embarcation et la remorqua jusqu’au port de Papeïti, la capitale de l’île.

« Enfin ! dit Barbe » en courant, aussitôt débarquée, aux bureaux du téléphone international.

Philippe l’avait suivie. Lorsqu’elle eut achevé de communiquer avec ses commis de New-York, Philippe s’empara du téléphone et se mit en communication avec M. Ponto père à Paris.

Ce jour-là, les employés du téléphone de Taïti ne purent fermer leurs bureaux à l’heure ordinaire, car leur client les retint jusqu’à plus de minuit. Philippe expliquait son idée, discutait et, en fin de compte, réussissait à convertir son père.

« Grande idée ! colossale affaire ! plus fort que Christophe Colomb ! dit enfin M. Ponto, il y aura des difficultés énormes ; mais nous les surmonterons ! C’est la grande maison Ponto qui donnera au monde son sixième continent !… mon fils, jusqu’à ce jour, je t’avais méconnu… aujourd’hui je t’admire !… Superbe, merveilleux, gigantesque ! Je vais céder mes autres entreprises, le Parc européen est terminé, le tube transatlantique marche tout seul et l’idée de la transformation de la France en société financière a fait un grand pas dans l’esprit public, je puis donc m’occuper d’autre chose… Reste à Taïti, je vais acheter une demi-douzaine de navires et t’envoyer une commission d’études composée d’ingénieurs, de marins, de géographes ; cette commission parcourra la Polynésie sous ta direction, opérera des sondages, lèvera des cartes, pointera jusqu’aux moindres îlots et nous établira un projet de continent… Quant au côté financier, c’est mon affaire, je vais lancer une première émission d’actions ! »

Et dès le lendemain le monde retentissait de la grande nouvelle. La sensation fut énorme. La colossale entreprise de la maison Ponto venait au bon moment. Les excédents de population dans les cinq parties du monde préoccupaient justement les penseurs. Cette terre qui allait man-