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Et M. Ponto appuya sur le timbre de l’appareil et prononça ces mots dans le tube téléphonique :

« Mettez-moi en communication avec Opéra de Paris ! »

Un timbre lui répondit immédiatement.

« La communication est établie ! dit M. Ponto ; baissez les lampes, nous n’avons pas besoin de lumière. »

Une sorte d’éclair traversa la plaque de cristal, un point lumineux se forma au centre, grandit avec des mouvements vibratoires et des scintillements, puis brusquement la scène de l’Opéra tout entière apparut avec la plus grande netteté.

En même temps éclata le tonnerre des cuivres de l’orchestre[1] ; les trombones, les saxophones et les bugles, habilement perfectionnés et portés à un très haut degré de puissance, rugirent une phrase musicale à faire crouler un édifice moins solidement construit que la maison Ponto.

Hélène sentit comme un grand souffle qui lui faisait voltiger les cheveux, les lampes s’éteignirent tout à fait et les faïences sur les dressoirs frissonnèrent.

« Je vais modérer un peu, dit M. Ponto en tournant légèrement la clef du compteur ; l’orchestre nous assourdirait. »

Le tumulte musical baissa de quelques tons et les cloisons de l’appartement cessèrent de vibrer.

Le docteur Faust en scène venait d’évoquer le Maudit ; quand il acheva son grand duo. avec Méphistophélès, le téléphonoscope transmit comme un écho lointain le bruit des applaudissements de la salle.

« Ah ! on peut applaudir ? dit Barnabette.

— Parbleu ! répondit M. Ponto ; les spectateurs à domicile peuvent envoyer leurs applaudissements aussi. Tenez, j’ouvre la communication avec la salle, vous pouvez applaudir !

  1. L’Opéra est un des rares théâtres qui ont conservé un orchestre particulier. Les théâtres lyriques, on le conçoit, ne peuvent s’en passer, mais les autres théâtres se sont entendus pour payer à frais communs un seul orchestre établi dans un local spécial construit selon des données scientifiques, et relié à tous les théâtres par des fils téléphoniques. L’orchestre central joue chaque soir quatre morceaux que les fils transmettent aux théâtres abonnés. Les théâtres ne sont pas forcés de jouer tous à la même heure ; par une combinaison phonographique, les morceaux sont retenus dans les tuyaux jusqu’au moment où le souffleur tourne le robinet placé dans le fond de sa boîte.