Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/89

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mencent, c’est une autre affaire, on a le droit de siffler avec eux… Ah ! voici un ballet nouveau ; mes enfants, attention ! »

Sur la plaque un changement à vue venait de se produire : le décor du laboratoire de Faust s’était envolé dans les frises pour laisser voir un paysage immense et fantastique rougi par des embrasements de volcans et peuplé de centaines de diables et de diablesses noirs et roses.

« Charmant ! charmant ! soupira M. Ponto, bravo ! bravo ! »

Quand la toile se baissa sur le finale du ballet, le téléphonoscope s’éteignit subitement ; après un intervalle d’une demi-minute, la grande plaque de verre s’éclaira de nouveau ; mais, au lieu de refléter la scène avec son rideau d’annonces, elle encadrait la salle de l’Opéra tout entière, de l’avant-scène de gauche à l’avant-scène de droite.

« Ah ! très bien ! on a retourné l’appareil, dit Barbe.

— Comme toujours, à chaque entr’acte on fait pivoter le téléphonoscope, pour permettre aux spectateurs à domicile de passer la revue de la salle et de saluer leurs connaissances…

— Ah ! voici la loge de Mme Hopstel, dit Barnabette ; elle a toujours ses douze kilos de diamants, Mme Hopstel… M. Hopstel dort dans le fond de sa loge…

— Faut-il le réveiller ? demanda M. Ponto ; je vais lui demander des nouvelles de son affaire du Crédit Tripolitain ; il ne brille pas, le Crédit Tripolitain ; il doit déposer son bilan samedi… Hopstel se retire, il a acheté un duché en Italie…

— Voici l’ambassadrice de Bornéo, un peu jaune aux lumières, malgré sa poudre de riz ; la duchesse de Rieux et ses trois filles, — pas encore mariées ; — Mme de Marcaussy, la loge de la Banque Tirman… Ah ! voici Mme de Montepilloy… très bien habillée, Mme de Montepilloy, et presque autant de diamants que la baronne Hopstel !

— Voulez-vous lui dire bonjour ? demanda M. Ponto.

— Comment, dit Hélène, on peut lui parler ?

— Certainement !… Ah ça, quelle éducation vous donnait-on au lycée de Saint-Plougadec-les-Cormorans, pour que vous soyez si peu au courant ?… Non seulement nous pouvons, d’ici, sans nous gêner, lorgner Mme de Montepilloy, détailler ses toilettes et critiquer son goût, mais encore nous pouvons à volonté communiquer avec elle… Tenez, regardez-la bien dans sa loge, je vais lui parler… »

M. Ponto fit sonner le timbre du téléphone.