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fois poète en parlant de son enfance ? Elle était née le 5 juillet 1804 ; on dansait dans la pièce à côté. Son arrivée fut si rapide et si discrète que le bal n’en fut pas interrompu. Elle parla assez tard, mais avança vite. Sa nature était plutôt lente, et appliquée. A quatre ans, elle savait très bien lire. Mais plutôt que de lire par elle-même elle employait déjà sa petite imagination à composer des contes interminables. Elle s’y oubliait comme dans une réalité. La tendance à la fiction et la force invincible du rêve, semblent avoir été les premiers et les plus forts instincts de sa nature. Active avec cela, elle tenait de sa mère un besoin constant d’occuper ses mains ; elle le conserva toute sa vie. À aucun âge elle ne sut rester sans rien faire. Un goût d’art se trahissait dans ses jeux, dans ses impressions. Sa première émotion musicale fut intense. Ici reparaissait le caractère paternel. Enfin, trait plus caractéristique, elle se complut de tout temps à la solitude. Dès l’âge de quatre ans, elle éprouvait « ce plaisir, étrange pour un enfant, mais vivement senti, de se trouver seule [1] ».

En 1808, n’ayant pas quatre ans, elle suivait l’armée française en Espagne ; sa mère n’avait pas voulu quitter son mari. Ainsi en arrivait-il, dans le même temps, à un autre enfant, né quand ce siècle avait deux ans, et qui courait avec sa famille les mêmes aventures. Étrange énigme du génie ! Qui dira combien les émotions d’une telle campagne ont pu retentir sur l’organisation d’un Victor Hugo,

  1. Hist. de ma vie, II, 201.