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m’avancer et de me justifier. Je parle ; mon âme doublement embrasée par la fièvre et l’envie du succès, me prêta des expressions au-dessus de mon âge ; mes joues rouges, mon œil ardent et fixe, mon corps tremblant, un sang épais qui tout à coup s’échappe de mon nez, tout parle en ma faveur, La prévention établie contre moi se dissipe ; je triomphe, et mes rivaux eux-mêmes me pressent dans leurs bras ; un seul s’éloigna, Laster était son nom. Laster, âgé de vingt-deux ans, toujours vaincu dans les classes par un enfant de douze ans, avait conçu contre moi une haine qu’il ne savait pas dissimuler ; lourd personnage sans esprit comme sans agrément, mais vain comme un sot, il cherchait à m’abaisser, et ne pouvait me pardonner le défi que je lui fis un jour en pleine classe, de le vaincre dans toutes nos compositions. Dans le moment on ne fit pas attention à lui ; on me ramena dans ma chambre, et non seulement je fus admis au concours, mais encore on remit le jour de la classe à la semaine suivante, pour me donner le temps de me rétablir.

Laster, aussi lâche que méchant, ne s’endormait pas : voyant ma victoire assurée, il écrit aux membres du comité de salut public de Nantes, que d’injustes professeurs accordaient une préférence exclusive au fils d’un ci-devant. Cette horreur n’eut d’autre succès que celui de faire chasser son auteur du collège et de la ville. Mon ouvrage ayant paru meilleur que ceux de