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prit sa place dans mon cœur ; mais il n’était pas aussi facile qu’on pouvait le croire de supplanter Philippe. Je ne pus m’empêcher de le faire sentir à mon père ; il me répliqua que je n’étais ni une enfant, ni une héroïne de roman, qu’ainsi il m’était défendu d’opposer la moindre résistance à un hymen convenable et vivement souhaité par les princes. Le silence fut encore ma nouvelle réponse. Mon père me crut vaincue ; il se trompait. Tout entière à la tendresse que tu avais su m’inspirer, j’étais fermement décidée à ne jamais contracter d’autres nœuds qui eussent mis entre nous deux une barrière impossible à franchir. Je formai un projet qui me parut devoir m’éviter des persécutions : je ne tardai pas à le mettre à exécution. Un après-dîner, mon père venait de sortir après le dessert ; je l’entendis dire, dans l’antichambre, que si quelqu’un venait le demander, on dît d’attendre, parce qu’il ne tarderait pas à rentrer. Peu de temps après les portes du salon s’ouvrirent et l’on annonça le marquis de Montolbon. Je compris sur-le-champ le motif des ordres de mon père. J’accueillis le marquis avec un air riant ; il s’assit vis-à-vis de moi, de l’autre côté de la cheminée. Il hésitait à me parler. Je voyais bien ce qu’il avait à me dire ; d’après mon plan, je ne voulais pas détourner une conversation qui devait décider de mon sort. Enfin, le marquis s’expliqua :