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chez elle la belle qui nous charmait tous les deux ; pour lui, il ne put abandonner madame de Montalbain. Nous nous séparâmes après que je lui eus fait promettre de venir partager mon dîner. Madame de Téligni souffrait encore, aussi elle ne parlait que rarement. Mathilde n’ouvrait point la bouche ; je regardais les passants : nous étions dans ces dispositions lorsque nous arrivâmes à l’hôtel de Téligni ; là je laissai ces dames après en avoir reçu les remercîments d’usage.

Je revins chez moi : l’impatient Charles était déjà à m’attendre. « Vicomte, me dit-il, le sort t’a favorisé : heureux mortel ! je tremble d’avoir à recevoir de toi des consolations ».

— « Ami, lui répondis-je, mon bonheur n’est point aussi grand que ton imagination te le présente ; crois-moi, nous sommes tous deux au même point ; oui, la balance de la fortune vacillera bien des fois, avant qu’un de nous deux l’emporte définitivement sur l’autre ».

Pendant tout le temps de notre repas, nous ne parlâmes que de Mathilde. Charles me quittait en me promettant de me revoir chez madame de Ternadek, qui ce soir-là réunissait dans sa maison une société nombreuse ; mon dessein était de m’y rendre de bonne heure ; mais un incident assez bizarre m’en empêcha.

Il avait fait très chaud toute la journée, l’air était chargé, les nuages s’amoncelaient ;