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elle m’accablait. Quel moment, quelle volupté pure quels délices incompréhensibles pour tous autres que pour nous ! nous nous regardions, nous ne nous en lassions pas ; nos baisers se confondaient aux pleurs d’une douce joie. Honorée n’était plus une enfant, l’âge avait développé toutes ses grâces : elle est maintenant d’une beauté miraculeuse, vingt et un ans il ne lui reste plus rien à acquérir.

Après les premiers moments de notre entrevue, je me hâtai de lui demander si ce n’était point une illusion, que tout ce que j’avais vu dans le château de la forêt.

« Mon ami, me répondit-elle, vos sens n’ont point été séduits, c’était bien moi que vous avez vue ; mon père voulant se rendre en Russie se confia en Léopold, qui l’assura que sans danger il lui ferait traverser la France. Nous débarquâmes à Nantes secrètement, je ne voulais point m’en éloigner sans vous avoir vu ; Léopold me jura de me procurer cette satisfaction, vous savez le reste. Lorsque je vous quittai je croyais vous revoir encore, mais le duc ne crut point devoir me le permettre ; nous partîmes sur-le-champ toujours escortés par Léopold, qui ne nous abandonna qu’après que nous eûmes dépassé les frontières. Qu’il est extraordinaire, mon ami, cet inexplicable personnage ! je n’ai pu le deviner quoique j’aie bien cherché à y parvenir ; l’as-tu revu depuis ? »