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LES OEUVRES

Le cueur de ſon mary d’elle ſ’eſiouyra ;
Plein d’honneurs, plein de biens, content il ioüira
Du fruict de ſon labeur, tous les iours de ſa vie.
Il l’aura pour compaigne & seruante & amie,
Fuyant le doux languir du pareſſeux ſommeil
Ell’ſe leue au matin, premier que le ſoleil
Monſtre ſes beaux rayons, & puis faict un ouurage,
Ou de laine, ou de lin, pour ſeruir ſon meſnage,
Tirant de ſon labeur un vtile plaiſir.
Ses ſeruantes auſſi qu’elle a bien ſçeu choiſir,
Chaſſant l’oiſiueté, ſont toutes amuſees
A cherpir, à peigner, à tourner leurs fuſees,
Faire virer le trueil, comme vn petit moulin,
Le Chaſtelet auſſi pour devider le lin.
Comme l’on voit ſur mer la vagante nauire
Raporter au marchand le profit qu’il deſire,
Le bled, le vin, le bois, afin qu’à ſon beſoing,
Il le trouve chez luy ſans le chercher plus loing :
Ainſi la Dame ſage ordonne ſa famille,
Afin que ſon mary, & ſes fils, & ſa fille,
Ses ſeruans, ſes ſuiects, puiſſent avoir touſiours,
Le pain, le drap, l’argent, pour leur donner ſecours
Contre la faim, le froid, & maintes autres peines,
Qui tourmentent ſouuent les penſées humaines.
Ayant bien diſpoſé l’eſtat de ſa maiſon,
Dependant par meſure, eſpargnant par raiſon :
Elle va voir aux champs la brebis porte-laine,
Et le bœuf nourricier qui traine par la plaine
Le ſoc avant-coureur de l’epspy iauniſſant :