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TRAGICOMEDIE

Ou me l’oſtez du tout. Las ie n’eus onc enuie
D’acointer aucun homme. Vn ſi villain peché
N’a iamais mon Esprit ny mon corps entaché :
Vous le ſçauez, mon Dieu, que je suis chaſte & pure,
Que i’ay l’ame devote & le corps ſans ſouillure.
I’ay bien pris des maris, mais en me mariant
Ie craignois voſtre nom, l’honorant & priant :
Peut-eſtre que pour eux ie n’eſtois aſſez digne,
Ou peut-eſtre qu’auſſi voſtre bonté diuine
Me reſervoit pour autre, & que ceux-là n’eſtoient
Dignes de m’eſpouſer & ne me meritoient.
Seigneur, voſtre conseil n’eſt pas en la puiſſance
D’aucun homme mortel, ny en ſa connoiſſance :
Mais quiconque vous ayme & qui tient pour certain
Que vous eſtes de tous le grand Dieu ſouuerain,
Il penſe que ſa vie eſt par vous eſprouuée
Et la veut corriger, afin qu’ell’ ſoit trouvée
Plus digne de l’honneur, qu’il ſ’atend receuoir
En vous obeiſſant & faiſant ſon deuoir.
S’il eſt troublé d’ennuy, de douleur, & de peine,
Vostre douce bonté en repos le rameine :
Et ſ’il eſt corrompu par vn mauvais effect,
Vous demandant pardon ce pardon luy eſt faict ;
Car vous ne prenez point de plaiſir à nous nuire,
Mais vous faites ſur tous voſtre ſoleil reluire :
Apres que l’on a veu eſclerer & greller,
Vous calmez la tempeſte & r’aſſerenez l’air ;
Apres vn triſte pleur qui aroſe la face
Vous eſſuyez nos yeux, nous recevant à grace.