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DE M. DES ROCHES.

nous voyons tant de Poëtes en la France. Ie ne veux faire autre reſponce à ce propos là, ſinon qu’il y a bien aſſez d’hommes qui eſcriuent, mais peu de filles ſe meſlent d’vn tel exercice, & i’ay touſiours deſiré d’eſtre du nombre de peu : non-pas que i’aye tant d’eſtime de moy, que de me vouloir parangonner aux plus excellentes non plus qu’aux moindres : car ie ne veux iuger de moy ny par audace, ny par vilité de cueur : au-moins ie ne me ſentiray point coupable dauoir perdu beaucoup de temps à compoſer vn ſi petit ouurage que cettuy-cy, pour ce que ie n’y ay jamais employé d’heures, fors celles que les autres filles mettent à viſiter les compaignies pour eſtre veües de leurs plus gẽtils ſeruiteurs, deſirãt qu’ils puiſſent deuenir dignes chantres de leurs beautez, encores qu’elles ayent bien la puiſſance de ſe chãter elles meſmes : toutesfois elles dedaignent de ſy prendre : approuuant (ce croi-je) l’opinion de Zinzime qui ne pouuoit eſtimer les Gentils-hommes Romains pour eſtre bien inſtruits en la Muſique à ſaulter & voltiger, pour ce que les ſeigneurs de Turquie faiſoient faire tels exercices à leurs eſclaues. Ainſi quelques vnes des Damoiſelles de ce temps, ſans vouloir prendre la peine d’eſcrire, ſe contentent de faire compofer leurs ſerfs, attiſant mille flames amoureuſes dans leurs cueurs, par la vertu deſquelles ils deuiennent Poëtes mieux que ſ’ils auoient