Aller au contenu

Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

travers quelques manifestations relativement insignifiantes, comme la bataille des balles de neige.


Un autre incident marqua le même hiver ou l’hiver suivant, je ne sais plus au juste : car si j’ai conservé le souvenir précis des faits, ils se déroulent dans un espace de temps incertain, dont les divisions m’échappent. Ce fut l’arrivée au château d’une institutrice anglaise : une grande fille, robuste, chevaline, capable au besoin de tenir tête à toute une bande de gamins et de jouer des poings comme un gendarme. Elle se nommait miss Jenny. On la disait protestante, fille d’un clergyman, et fort instruite.

Il fut aussitôt décidé que je prendrais des leçons d’anglais avec elle, pour qu’Anthony ne fût pas seul. Quelque simple qu’elle parût, cette résolution fut vivement discutée entre mes parents. Ma mère, avec son habituelle timidité, craignait de s’opposer au courant. Je me rappelle qu’elle objecta :

— Ses camarades le battront.


et que mon père répondit, en se tournant vers moi :

— Il a des poings pour se défendre.

Je dis :

— Bien sûr !

Car il me semblait que j’allais souffrir pour une grande cause, et j’étais prêt à tout.