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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/132

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comprends bien, à présent. Si ces gens ne l’avaient pas soupçonnée du crime qui, à leurs yeux, est le pire de tous, ils l’eussent accusée d’autre chose. Il ne se pouvait pas qu’elle ne fût pas leur victime. Quand j’y pense, je trouve qu’il n’y a pas lieu de leur en vouloir pour cela. Les animaux d’une certaine espèce n’acceptent point parmi eux les représentants d’une espèce étrangère. Te représentes-tu le sort d’un insecte ailé tombé dans une fourmilière ? Dévoré, mon cher, en un instant, avant d’avoir pu reprendre son essor. Pourtant, les fourmis sont de bonnes petites bêtes, laborieuses, douées de toutes les qualités bourgeoises, qui pourraient, à beaucoup d’égards, nous servir de modèles…

Dans le cas présent, les occasions d’affirmer leur cruauté manquaient à nos fourmis féroces. Elles en avaient une, pourtant, dont elles surent profiter : la messe. Oui, mon cher, à ce moment-là, le seul où Mme des Pleiges fût mêlée à leur armée agressive, elles oubliaient que le Dieu qu’elles venaient adorer a recommandé la charité et s’est réservé le droit exclusif de juger nos actes et nos cœurs. Elles jugeaient et signifiaient leurs jugements. Elles avaient des attitudes, des chuchotements, des regards, des airs qui exprimaient mieux que des paroles leur mépris et leur rancune. Notre bon curé s’en désolait, mais qu’y pouvait-il faire ?