Aller au contenu

Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tu comprends, un péril qui intéressait l’honneur de tout le monde. Or un membre de l’Université doit compter avec l’opinion publique. M. Lanternier céda, et la combinaison fut abandonnée.

Mon père en trouva une autre, que, seule, la considération dont il jouissait fit accepter. Il fut convenu qu’Anthony viendrait chez nous, et prendrait en ma compagnie les fameuses leçons de langues mortes. Je n’avais aucun goût pour les études classiques ; néanmoins, je me prêtai de bonne grâce à un arrangement que je devinai agréable à ma marraine. Tout ce que je faisais pour Anthony me causait une joie extrême. À vrai dire, avec ses allures craintives, son application, son peu de goût pour les jeux bruyants, il s’éloignait assez du type « garçon » qui m’aurait convenu ; mais je l’aimais pour sa mère. Et puis, ces leçons, dont l’objet me laissait très froid, prirent bientôt pour moi un intérêt inattendu : elles m’apprirent à connaître M. Lanternier. Au collège, je le trouvais, comme les autres, ridicule ; je ne soupçonnais pas qu’il pût avoir aucun mérite, — et je le méprisais. Dans l’abandon des heures que nous passions ensemble, dans la joie qu’il avait de trouver en Anthony un esprit capable de s’ouvrir à sa manne, je découvris peu à peu un homme tout différent de celui que je me figurais, dont la bonté réservée et