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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/166

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montre qu’ils ne sont pas foncièrement mauvais. Dans le fait, je n’entendais plus parler des habitants du château qu’avec bienveillance et sympathie. Un détail frappait tout le monde : c’était la fin d’une race ; et l’on entendait répéter, comme un refrain :

— … Un beau nom qui va disparaître !

Nul ne songeait plus qu’ils avaient mis en doute la légitimité de l’héritier de ce nom-là. Maintenant, à ses dernières heures, le pauvre Anthony, l’enfant pourchassé par la meute hostile des gamins, était bien, pour la ville, le dernier des Pleiges, et le lustre de l’ancienne famille historique allait s’éteindre avec lui.

Dans ce concert de plaintes et de regrets, la voix de M. Lanternier résonnait plus haut que les autres. De temps en temps, il ouvrait notre porte pour demander :

— Eh bien ?… Les dernières nouvelles ?… Que dit le docteur ?…

Mon père disait seulement :

— Dieu peut toujours faire un miracle.

Cela semblait presque un arrêt de mort, car on sait que les miracles sont rares. Pourtant, on espérait encore : on espère toujours, aussi longtemps que la mort n’est pas là.

Ce furent de douloureuses journées, dont je retrouve au fond de ma mémoire l’impression de stupeur et d’effondrement.