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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/184

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fort la porte cochère, qui se referma brusquement, en éveillant des échos dans le vide. Je frissonnai :

— Fais doucement, me dit ma mère.

Nous suivîmes les longs vestibules, marchant sur la pointe des pieds.

Avec un serrement de cœur, je passai à côté du grand hall, — notre ancienne salle d’études, — où l’on ne verrait plus la pensive figure d’Anthony penchée sur ses chers livres ; et je crus le revoir, et je crus entendre sa voix. Une femme de chambre nous fit signe de la suivre. Elle nous conduisit dans le petit salon où se tenait la comtesse : je vis une ombre noire, affaissée, écrasée, que notre entrée fit remuer. Ses yeux autrefois si beaux, — rougis maintenant et hagards, — se fixèrent sur moi. Une faible main m’attira. Sa voix dit, très bas :

— Cher petit !…

Je l’embrassai.

— Ma bonne marraine !…

Son souffle haletait. Elle me serrait contre elle, en silence. À la fin, elle réussit à parler ; avec un grand effort, elle me dit :

— Tu rentres au lycée ?

— Oui, marraine.

— Bientôt ?

— Demain.

— Tu travailles bien ?

Je regardai ma mère, qui répondit pour moi :