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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/186

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Puis elle me dit encore :

— Il faut toujours travailler… Il faut être sage… Il faut rester brave et bon…, comme tu l’as été…, pour lui

Ces trois phrases me mirent dans une grande exaltation. Le lendemain, en grelottant dans la diligence qui m’emmenait à travers la neige, par un froid de Sibérie, je me les répétais à moi-même, constamment ; et j’y répondais, et je promettais de m’en souvenir toujours.

« Oui, marraine, je travaillerai, je serai sage, je serai brave et bon !… »

Cela me semblait un programme d’existence très normal et très simple, auquel il devait être extrêmement facile de se conformer. Bon Dieu ! que j’y ai souvent manqué ! Pourtant, cette espèce de devise m’est revenue bien des fois dans la suite ; si je ne lui suis pas toujours resté fidèle, du moins l’ai-je toujours retrouvée au fond de moi, et peut-être lui dois-je d’avoir reculé devant certaines actions que je regretterais d’avoir commises.

Les premiers jours de la rentrée me furent pénibles ; j’imagine qu’à ce moment-là, je te parlai souvent de ma marraine. Mais, pauvres petits êtres que nous étions, que pouvions-nous comprendre au drame de sa vie ? Je savais seulement qu’elle était malheureuse et pleurait son fils ; le reste, — ce que je t’ai raconté aujourd’hui, — je n’en avais alors qu’une con-