Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/27

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Nouvelle Héloïse, je les en aime davantage. Quant à ces messieurs poudrés, bons bourgeois ou gentilshommes, je suis sûr qu’ils ont discuté l’Émile, peut-être même le Contrat social ; plusieurs de ces têtes ont dû rouler sur l’échafaud de la Révolution.

Dans le fait, le xviiie siècle finissant revivait en ce vieux coin de province. Par je ne sais quel enchantement, on se sentait tout près de ces gens d’autrefois ; on les eût vus sans étonnement descendre de leurs cadres pour prendre place dans ces gracieux fauteuils qui semblaient les attendre.

— Celui-ci, c’est Grétry, me dit Nattier.

Mes yeux se fixèrent sur l’épinette devant laquelle le bon maître eût très bien pu s’asseoir.

Mais voici que, comme je les relevais, ils tombèrent sur un portrait de femme, véritable croûte, entourée de la plus banale des baguettes dorées, qui faisait étrange figure parmi ces œuvres de choix, dont plusieurs n’auraient déparé aucune galerie célèbre.

— Ce pastel-là ? demandai-je en souriant. Est-ce aussi un Latour ?

Avec le plus grand sérieux, Philippe me répondit :

— Non, c’est un « Claude Fermière ».

Du doigt, il me montrait, au bas du pastel, un monogramme ignoré.