Aller au contenu

Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que ce fût, sans avoir même le bon goût élémentaire de trier sa clientèle ; et elle parlait sans cesse, avec une nuance de comique mépris, de ses « cousins les millionnaires ! » Ceux-ci, au contraire, ne parlaient jamais d’elle : en revanche, rien ne les réjouissait comme de pouvoir citer leurs belles relations, et, depuis qu’on les accueillait deux ou trois fois par année au château, ils affectaient de considérer les des Pleiges comme des amis intimes. C’étaient donc de simples snobs, comme on dit aujourd’hui. Le snobisme est un travers bien innocent : tu verras qu’il peut tourner à l’aigre, et devenir pernicieux et cruel.

Un été, — quelque temps avant que je fusse au monde, — parmi les hôtes auxquels s’ouvrit l’hospitalière maison des Lesdiguettes, se trouvèrent deux personnes qui attirèrent bientôt l’attention des Pleiges : le colonel Marian et sa fille Micheline. Quelles étaient leurs attaches avec nos snobs ? quelles circonstances les avaient amenés parmi nous ? je n’en sais rien. Toujours est-il que le colonel, causeur spirituel, bel homme, élégant cavalier, ne tarda point à faire la conquête de la ville. Avec ses crânes allures d’ancien officier de la campagne d’Afrique et de parfait gentleman, il apportait dans notre petit milieu une note nouvelle : il étonna et il plut, bien que dans les cercles