Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/47

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rumeurs ne circulèrent qu’en sourdine et s’apaisèrent sitôt le mariage célébré, nul n’ayant envie de se fâcher avec les des Pleiges ou de leur déplaire. Le colonel resta dans sa propriété. Les nouveaux époux s’installèrent dans une aile du château. On répéta qu’ils s’adoraient et que le comte Anthony était enchanté de sa bru : il n’y avait donc plus rien à dire.

Au bout d’une année, la jeune Mme des Pleiges mit au monde un garçon. Elle eut des couches difficiles. Les soins que lui donna mon père, qui la sauva, nous valurent son amitié ; et, comme je vins au monde quelques semaines après son fils, elle voulut me servir de marraine.

Je ne te décrirai pas mon baptême ; mais il paraît que ce fut une belle cérémonie. Ma mère aimait à le raconter, avec le détail des costumes, le menu du repas, les propos des invités. Pendant ma petite enfance, on m’en fit maintes fois le récit, en sorte que c’est presque comme si j’en avais gardé mémoire. J’étais « noyé dans des flots de dentelles », mon cher ! Beaucoup de personnes profitèrent de l’occasion pour envoyer quelque témoignage de leur reconnaissance à mon père, que tout le monde aimait : la majeure partie de mon argenterie date de ce jour-là. Ma marraine portait sa belle robe de satin bleu, celle-là même qu’elle a dans son portrait. Le curé lut une pièce de vers. Et les dra-