Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

montrer embarrassé et gauche, il s’efforça de plaire, comme si elle eût été une simple petite bourgeoise à marier, et ne la quitta pas. On remarqua son audace et le succès qu’il en obtint ; on observa que la vicomtesse l’écoutait volontiers, qu’elle riait de ses propos derrière son éventail, qu’elle dansa plusieurs fois avec lui. De bonnes personnes commencèrent à murmurer sur leur passage :

— Le joli couple !

Ou bien :

— Comme ils vont bien ensemble !

À des étrangers, on expliqua complaisamment que ce n’était point le mari et la femme.

— Le mari de cette jolie dame, le voici !

Et on leur montrait le vicomte Pierre qui, suivant sa coutume, s’effaçait, l’air lassé ou absent, souriant quelquefois de la gaieté de sa femme qu’il ne quittait pas du regard.

Peu de jours plus tard, la ville apprit avec stupéfaction que Jacques Nattier, le petit fonctionnaire, avait été retenu à dîner au château, où il faisait de la musique avec la vicomtesse. Quelque invraisemblable qu’elle fût, la nouvelle était vraie. Jacques ne se gêna point de la confirmer. Il en triomphait : il se rengorgeait au café, il se dandinait en passant par les rues, comme un homme qui vient d’obtenir un très grand succès, il jouissait vani-