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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/58

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lution de le chasser de notre vocabulaire domestique. Donc, quand ma marraine se tourna vers moi et me dit :

— Eh bien, bébé, tu ne m’embrasses pas ?

Je fis la sourde oreille, bien que je fusse friand de ses chères caresses.

Étonnée de mon peu d’empressement, elle répéta :

— Eh bien, bébé, eh bien ?…

Je m’approchai d’un air maussade, et je déclarai résolument :

— Je ne suis plus un bébé, marraine…

Elle éclata de rire, de son joli rire qui sonnait clair, montrait ses belles dents, creusait dans ses joues deux fossettes gracieuses :

— Tu n’es plus un bébé ! s’écria-t-elle. Alors, qu’es-tu donc, je t’en prie ?

— Je suis un garçon !

Elle rit plus fort :

— Un garçon !… un garçon !… Comment veux-tu donc qu’on t’appelle ?… Monsieur Bébé ?… Monsieur le garçon ?…

Son rire, que j’aimais tant à entendre quand il éclatait sans raison pour saluer la gaieté des choses, me blessa davantage, car il me parut qu’elle se moquait de moi. Je me mis en colère, je frappai du pied, je répondis :

— Je m’appelle Philippe ! Je veux qu’on m’appelle Philippe !

Ma mère me blâmait des yeux ; mon père me traita de nigaud. Alors ma colère