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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/67

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fiers de ce parent, sont bien vite prêts à le renier. Le vieux dicton Noblesse oblige courut dans les boutiques. Bien des voix prononcèrent cet arrêt :

— Il a oublié ce qu’on doit à son nom !

De tels sentiments expliquent que les témoignages de sympathie furent assez rares : quelques personnes à peine, de celles qui obéirent à leur premier mouvement, envoyèrent des fleurs ; un petit nombre d’audacieux se hasardèrent à suivre le convoi qui, avant le lever du jour, accompagna le cadavre du comte jusqu’à sa sépulture, réservée dans le parc même du château. Mon père en fut, cela va sans dire. Il revint la mort au cœur :

— J’ai cru, dit-il, — et ces paroles me frappèrent si fort que j’en fus longtemps poursuivi, — j’ai cru que nous portions en terre toute une race éteinte. L’enfant marchait derrière le cercueil, tenant la main du colonel. Le pauvre petit ! Il est si pâle, si mince, si chétif, qu’il avait l’air d’une petite ombre insignifiante prête à s’envoler. Sa mère est malade de douleur et ne fait que pleurer : j’ai bien peur qu’elle n’ait pas encore versé toutes ses larmes !

En l’écoutant, je songeais au gai sourire de ma marraine, et quelque chose me disait que ce sourire était mort et que je ne le reverrais plus jamais…