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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/75

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— Il s’est sauvé, ton cousin, il s’est sauvé. Joli cousin, ma foi, que tu as là !

Ce fut Frédéric Laurent qui ajouta :

— Et ta marraine ? Elle est jolie aussi, va, ta marraine !

Les autres répétèrent en chœur :

— Oh ! ta marraine !…

Alors, pris d’une colère folle, — moi qui étais faible et plutôt résigné, — je me ruai sur la bande, tapant, griffant, mordant, ce qui me valut un pensum, la justice du collège étant déjà infaillible. Mais mon père, à qui je racontai l’histoire, m’embrassa et me dit :

— Tu es un brave garçon !

D’ailleurs, je ne comprenais rien à tout cela. La seule chose que je savais de ma marraine, hélas ! c’est que je ne la voyais plus. Elle ne sortait pas du château. Par les sentiers qui filent vers les bois, on ne voyait plus glisser ses jolies robes claires, ses gais chapeaux fleuris : ma marraine n’était plus qu’un fantôme noir, invisible, qui pleurait. Et cette retraite absolue à laquelle elle se condamnait, c’était un argument de plus qui plaidait contre elle, comme le départ de son présumé complice. Son père, dont la prestance aurait pu inspirer quelque respect, fit en ce moment-là une longue maladie : en sorte qu’ils disparurent l’un et l’autre. Le château fut abandonné, — isolé comme une léproserie.