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commencement de notre amour ; en décembre, après un bal, j’étais à cette place même, devant ce foyer, lorsqu’il est entré pour me rapporter le gant que j’avais perdu. Il s’est assis là, très pâle, la voix tremblante ; on y entendait son cœur battre de l’aile comme un oiseau qui va voler. Il me suppliait de le lui laisser, ce gant ; oui, je me souviens, cela revit, cela palpite, cela pleure ; il me semble que ma vie s’est arrêtée là et qu’il n’y a rien d’autre au monde que ce souvenir de douceur et de mélancolie. Et le lendemain, il m’envoyait des vers, de la musique… Oh ! cette musique !

(Elle a ouvert le piano dont elle s’est approchée tout en parlant, et chante :)

Le papillon inconsistant
Saupoudré d’or et d’étincelles,
Qu’on croit voir fondre à chaque instant,
N’est que le rêve de deux ailes.

L’amour qui sait subtiliser
Les plus chastes, les plus farouches
Dans l’enivrement du baiser,
N’est que le rêve de deux bouches.


SCÈNE III.
Jeanne Arvère. — Mariette.


Mariette.


Madame, Monsieur Chantreuil demande à être reçu.