Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/49

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dictionnaires, à balafrer de craie un tableau noir. Si studieux, qu’il ne prenait même pas le temps de regarder la grande horloge de la cour, de calculer à quel déplacement du compas du cadran sonnerait le moment du retour à la maison. Mais la mère, elle, suivait à sa petite pendule le jeu des aiguilles, se cherchant, se fuyant. Elle comptait les heures longues, elle s’ennuyait de Hans. Du moins, elle possédait, tout le temps, quelque chose de lui auprès d’elle : le mol coussin où elle avait eu la si bonne pensée d’enfermer les cheveux de Hans. C’était le sachet fidèle de sa solitude, le sûr oreiller de ses malaises. Il lui en venait une caresse comme voilée, on ne sait quel fluide tamisé des boucles à travers l’étoffe, une fine senteur aussi proche qu’une présence. Et par minutes elle plongeait son visage souffrant dans le petit coussin, comme dans une eau où l’on délaie un fard, comme fit Jésus dans le linge de Véronique où il laissa son sang et ses épines.