Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/106

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le lustre, au-dessus de sa tête, dans le silence clos des salons, émiettait de son goupillon de cristal grelottant la bruine d’une petite plainte.

Et puis, il s’en allait chez Jane, ainsi qu’à la dernière station de son culte. Jane qui possédait, elle, la chevelure tout entière et vivante, Jane qui était comme le portrait le plus ressemblant de la morte. Un jour, même, pour se leurrer dans une identification plus spéciale, Hugues avait eu une idée bizarre qui le séduisit aussitôt : ce n’est pas seulement de menus objets, des brimborions, des portraits qu’il conservait de sa femme ; il avait voulu tout garder d’elle, comme si elle n’était qu’absente. Rien n’avait été distrait, donné ou vendu. Sa chambre était toujours prête, comme pour son retour possible, rangée et pareille, avec un nouveau buis bénit chaque année. Son linge d’autrefois était complet et empilé dans les tiroirs, pleins de sachets, qui le conservaient intact dans son im-