Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/185

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seule ainsi ? À un autre moment, elle lui annonça que sa sœur était malade, une sœur qui habitait Lille et dont elle ne lui avait jamais parlé. Il lui faudrait aller la voir. Elle resta absente quelques jours. Quand elle revint, les mêmes manèges recommencèrent : vie éparse, absences, sorties, va-et-vient d’éventail, flux et reflux où l’existence de Hugues se trouvait suspendue.



À la longue, il conçut quelques soupçons ; il l’épia ; alla, le soir, rôder autour de sa demeure, fantôme nocturne dans cette Bruges endormie. Il connut le guet dissimulé, les haltes haletantes, les coups de sonnette brefs dont la titillation meurt dans les corridors qui se taisent, la veille en plein vent jusque tard dans la nuit devant une fenêtre éclairée, écran du store où passe en ombres chinoises une silhouette qu’on croit à chaque seconde voir apparaître double.

Il ne s’agissait plus de la morte ; c’est Jane dont le charme peu à peu l’avait